Cet article est le premier d’une série de trois ayant pour ambition d’analyser la dimension stratégique du renseignement à l'ère
de l'information, et l'importance que prend la communication au détriment du
secret, dans un cycle du renseignement nécessairement modernisé et plus attaché à la prévention qu'à l'intervention. L'indispensable adaptation du cycle du renseignement à la maîtrise en temps réel d'une information numérique surabondante, et en particulier de ses modes de capitalisation et de communication, doit pouvoir s'appuyer sur une base théorique solide à laquelle les "sciences de l'information et de la communication" sont à n'en pas douter susceptibles d'apporter le soutien d'une discipline universitaire reconnue.
"connaître et anticiper" ?
Il faut s'étonner de cette paraphrase utilisée dans
les deux dernières éditions du Livre blanc sur la sécurité et la défense (2008
et 2013) pour désigner une grande fonction stratégique distinguant en son sein le
renseignement, de l’analyse stratégique et de la prospective. C'est là en effet
une curieuse formule pour désigner en réalité une fonction qui ressemble à s’y
méprendre au renseignement, tant il est vrai que ce dernier tire toute sa
substance de l’analyse et de la connaissance qui en procède pour anticiper et
éclairer ainsi le "champ de bataille". Cette étrange paraphrase
révèle en réalité une vision du renseignement particulièrement réductrice, qui
le limite à son seul recueil en environnement hostile et au secret qui s'y
attache, et le différencie ainsi de toute activité d’analyse appelant à
l'ouverture et aux échanges (la communication) jugés incompatibles avec le
secret dont on veut à tout prix l'entourer.