La "curation", concept nouveau ou "exploitation de l'information utile" version "2.0" ?

Le site 01netPro consacre un dossier à la curation, "mot à la mode en ce début 2011", mais à lire son premier volet, on peut se demander si les internautes, en prenant conscience du rôle central de l'expertise humaine en matière de traitement de l'information, ne redécouvrent pas l'eau chaude. Cette "eau chaude" est en effet bien connue depuis fort longtemps des professionnels de l'information, journalistes comme spécialistes de l'exploitation du renseignement. Immergés comme ils le sont depuis le début dans la technique informatique qui supporte les réseaux sur lesquels ils naviguent, les internautes n'ont-ils pas trop longtemps confondu informatique et science de l'information ? 


Le premier volet de ce dossier présente ainsi le terme curation "apparu en France fin 2010", qui "s'annonce, après l’e-Réputation et le Community Management, comme étant le buzzword de l’année 2011" : « La pratique qui consiste à sélectionner, éditorialiser et partager du contenu a été baptisée par les Américains curation ou Content Curation, par analogie avec la mission du curator, le commissaire d’exposition chargé de sélectionner des œuvres d’art et de les mettre en valeur pour une exposition ».
L'article nous fournit quelques définitions du concept. Pour les pionniers en 2009, "un Content Curator est quelqu'un qui, continuellement, trouve, regroupe organise et partage le contenu en ligne le meilleur et le plus pertinent sur un sujet spécifique", pour d'autres, "la curation, c'est une ou plusieurs personnes engagées dans l'acte de choisir et de présenter des éléments relatifs à un sujet et à un contexte spécifiques", pour d'autres, "la curation est le new search… et le nouveau média", à la fois nouveau moyen de recherche et nouveau moyen d’expression, pour d'autres enfin, "c’est le chaînon manquant des dispositifs Entreprise 2.0" :  "le curator est une personne qui traite, évalue, contextualise, met en perspective, enrichit et rediffuse l’information".
Pour Fabrice Molinaro (les-infostrateges.com), "le concept de curation veut aller plus loin" que la simple "convergence" des "activités" de "recherche" et de "partage" "sur Internet" : « Il s'agit de permettre aux experts de donner une valeur ajoutée à un contenu par une recommandation ou un avis. Puis de mettre en scène l'ensemble de l'information sélectionnée avant de la partager avec son réseau. Ces experts peuvent être appelés curators ». Selon lui, "l'intervention humaine reprend une place centrale", "et c'est plutôt une bonne nouvelle dans un monde qui tend à faire la promotion du tout-technologique".
Mais les journalistes semblent connaître ce concept de longue date, et constatent que «la curation telle qu’on l’entend est à la base du métier de journaliste ». 
On retrouve également dans ce concept  tous les ingrédients qui font l'exploitation du renseignement : "rechercher", "trouver", "choisir", "regrouper", "organiser", "partager", "présenter", "évaluer", "contextualiser", "mettre en perspective", en un mot "traiter", pour "enrichir", "donner de la valeur ajoutée à un contenu", émettre des "recommandations" ou des "avis" et "rediffuser" de "l'information" qui se veut "pertinente" relativement à un "sujet" et un "contexte" spécifiques. 


L'expertise humaine est au cœur du dispositif de traitement de l'information, et les internautes, qui chaque jour en font progresser les pratiques à grand renfort de technologies nouvelles, semblent le redécouvrir. C'est incontestablement une bonne nouvelle, mais il faut rester vigilant car le tropisme technologique qu'illustre parfaitement la désignation "2.0" est fort, et la tentation de confondre informatique et science de l'information revient toujours en force.


FB