À
lire, cet article intéressant de Jean-Michel Franco, chroniqueur pour lemondeinformatique.fr : "Ne vous noyez pas dans votre lac de données". J'en retiens quelques observations qui, bien que paraissant anodines, contribuent néanmoins à confirmer la pertinence de mes travaux, et qu'il est bon de rappeler, surtout lorsqu'elles émanent, en 2018, d'un spécialiste des technologies de l'information innovantes et de leur adoption dans l'entreprise :
« Les données demeurent la pierre angulaire de tout projet de transformation numérique. Si elles sont correctement intégrées, traitées et consommées, elles apportent une nouvelle vision, en rendant la prise de décision plus pertinente et permettent aux décideurs de s’écarter du subjectif, des hypothèses tronquées et de l’à peu près. » (les soulignements sont de moi)
Les
données sont la matière première de tout système d’information. Encore faut il
en effet qu’elles soient "intégrées" (recueil et classement) avec
discernement en mettant à contribution le coup d’œil de l’expert, "traitées" avec tact pour lui en faire toucher du doigt toute la portée,
puis "consommées" avec goût en lui permettant d'en apprécier toutes les saveurs, afin de leur donner du sens et d'assurer ainsi la
"pertinence" des "décisions". Il faut pour cela mettre à contribution tous
les sens des "utilisateurs métier" : la vue, le toucher et le goût pour établir un état des lieux précis, une "vision nouvelle", puis l’écoute
et le flair pour assurer un suivi efficace de leur "évolution", et l’intuition pour en
faire une synthèse factuelle évitant tout "écart subjectif".
Tout l’enjeu actuel de la maîtrise d’une
information numérique surabondante tient en effet dans la remarque de ce spécialiste en Business Intelligence qu'il complète en observant :
« Dans un monde en constante évolution, où les données sont de plus en plus nombreuses, la nécessité de les regrouper s’est imposée d’elle-même. L’intention initiale étant de les croiser pour en déduire des informations pertinentes. D’après une étude de PwC et d’Iron Mountain, 75% des dirigeants sont persuadés que le futur de leur entreprise repose sur leur capacité à tirer le meilleur de leurs données. Pour autant, seuls 4% d’entre eux estiment avoir mis en place une approche axée sur la donnée au sein de leur organisation. »
« Et
cela ne s’arrête pas là », ajoute-t-il reconnaissant les difficultés à « traiter des données et des demandes toujours plus complexes », « les utilisateurs métier sont à la recherche
permanente de l’information la plus récente » et, « veulent également
préparer, partager et gérer eux-mêmes leurs données ».
La question qui se
pose désormais de manière impérieuse aux concepteurs de systèmes d'information est : comment "tirer le
meilleur" des données "utilisateur", c’est-à-dire comment aller au-delà de la donnée
numérique qui s’accumule dans des mémoires artificielles, ou comment tirer de
cette accumulation de données une information pertinente utile à l'utilisateur?
Autrement dit,
comment passer :
- d’une mémoire artificielle à usage collectif reposant sur le traitement numérique des données et l’intelligence artificielle,
- à une mémoire collective reposant véritablement sur l’expertise et le « métier » des « utilisateurs », c’est-à-dire sur l’exploitation d’une information à valeur ajoutée définitivement humaine ?
Afin de
légitimer une approche des systèmes d’information empruntant plus aux sciences
humaines qu’aux sciences de l’ingénieur, il m'a semblé nécessaire de poser les principes d’une
méthode opérationnelle de recherche et de partage de l’information, dont
l’instrument principal n’est pas le support numérique gestionnaire de données
massives, ni l’intelligence artificielle pourvoyeuse d’informations nouvelles,
mais le document électronique recueil de connaissances et de savoirs humains.
L’exploitation de l’information peut y être envisagée comme un sport d’équipe, dans
un système de classification à facettes, fondé sur une grammaire impliquant
le lieu et le temps, à l’image du travail de nos cinq sens complétés par l’intuition qui
fédère l’ensemble.
L’enjeu est d’améliorer la pratique du système d'information par une
communauté organisée autour d’une fonction commune qui donne sens à son jeu
collectif. À l’heure des technologies numériques, du web sémantique et de l'intelligence artificielle, j'ai donc choisi délibérément de faire appel à une théorie de
l’information, ancrée dans les humanités de la pensée, de la langue et de la
grammaire qui l’organise, plutôt que dans l’ingénierie du calcul et des
algorithmes qui le programment. Il ne s'agit pas de développer une ingénierie destinée à perfectionner le travail de moteurs de recherche en langage naturel sur des réseaux accumulant des données de toutes sortes, mais d'organiser l'activité documentaire d'une communauté professionnelle afin d'éclairer la fonction qui fonde cette collectivité à partir d'un besoin avéré de sens qui l'anime.
Je souhaite affirmer ainsi la nécessité d’une
distinction claire entre logique et algorithmique, entre sciences humaines et
sciences de l’ingénieur, entre l’humain et l’automate ou entre théorie de
l’information et théorie de la communication, allant de pair avec leur
complémentarité. Ce discernement à mes yeux essentiel, n’est possible qu’à
condition de se donner les moyens d’une interdisciplinarité forte dont les méthodes de partage dynamique de l’information
documentaire que je propose, peuvent être l’instrument. Ce sont ces méthodes, dont la mise en œuvre a tout d'abord été empirique, que mes travaux actuels de thèse ambitionnent de légitimer scientifiquement en en montrant le bien-fondé théorique.
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