mardi 31 mai 2011

Information et renseignement

Tandis que le concept de renseignement d'entreprise reste lettre morte, il semble qu'une définition unique de l'intelligence économique a toujours beaucoup de mal à s'imposer. Peut-être doit-on rechercher la cause de ces difficultés dans la perception un peu floue que l'on a de la notion de renseignement. Celle-ci reste en effet la plupart du temps cantonnée au domaine de la sécurité et souvent confondue avec l'espionnage, sans être distinguée clairement de l'information à laquelle elle est néanmoins inextricablement liée. S'il semble important de bien comprendre ce qui distingue le renseignement de l'information pour mieux prendre en compte ses spécificités, il n'en est pas moins nécessaire de réaliser qu'on ne peut prétendre exploiter l'un sans maîtriser l'autre.


Une définition claire et précise du renseignement marquant nettement ce qui le distingue de l'information semble donc tout d'abord s'imposer. Cette définition doit remplir les trois critères de validité que se doit de respecter toute définition substantielle relevant d'une analyse scientifique du sujet : s'appliquer à tout ce que désigne l'expression définie et à rien d'autre (condition nécessaire et suffisante en mathématiques), donner la nature de la chose définie, et ne pas tourner en boucle en faisant appel à elle-même.

Un renseignement est une information particulière, mais une information est également un renseignement potentiel. Pour ne pas fonctionner en boucle, il faut donc considérer que la notion d'information a préalablement été définie indépendamment du renseignement (par exemple : une information est la représentation abstraite d'un fait, indépendamment de sa manifestation concrète). Nous commençons ainsi à entrevoir sa nature : un renseignement est une information, il est donc de nature abstraite. Mais, c'est une information particulière, et pour préciser, nous pouvons observer qu'il répond à un besoin de savoir, il est donc également de nature intelligible. Il est ainsi de nature abstraite, mais restitué de manière concrète sous forme intelligible. Enfin, on observe également qu'il répond à une volonté d'action dans une situation donnée. Il est donc encore de nature conjoncturelle.

Reste la condition nécessaire et suffisante qui détermine tout ce que désigne le renseignement et rien d'autre. Une information est un renseignement potentiel avons nous dit, donc à une certaine condition que nous voudrons nécessaire et suffisante en indiquant qu'une information est un renseignement si et seulement si elle répond à un besoin de savoir pour agir à un instant donné. Toute information répondant à un besoin de savoir pour agir à un instant donné est un renseignement, mais également, rien qui ne réponde à un besoin de savoir pour agir à un instant donné ne peut être du renseignement.

À partir de là, nous pouvons établir la définition suivante :
Un renseignement est une information répondant à un besoin de savoir pour mener une activité donnée à un instant donné.


On voit bien avec cette définition qui le décrit entièrement que le renseignement ne se limite pas au domaine de la sécurité, même s'il peut s'avérer particulièrement important en la matière. En réalité, la notion de renseignement s'applique à un domaine aussi vaste que celui couvert par l'information, et se distingue de cette dernière non par son domaine d'application, mais par sa finalité qui est déterminée par la conjoncture d'une ignorance à combler et d'un besoin de savoir dans l'action. C'est donc sa finalité qui caractérise le renseignement : la rencontre d'une carence et d'un besoin de savoir pour agir. Ainsi, le renseignement politique est un renseignement recherché pour remédier à une carence de savoir utile à l'activité politique, le renseignement de sécurité est un renseignement utile aux activités de sécurité, le renseignement militaire à l'activité militaire, le renseignement d'entreprise à l'activité des entreprises, et ainsi de suite, tandis que tous ont en commun le fait de combler une ignorance.

Mais si le renseignement est une information, il en a toute les caractéristiques qu'il nous faut donc bien maîtriser. Le recueil d'une information se fait par abstraction, c'est-à-dire par détachement du réel (abstrahere) à partir de l'observation d'un fait concret, et à l'issue d'un travail intellectuel de recherche.
Pour répondre au besoin de savoir qui le détermine entièrement, il doit également être restitué de manière intelligible par l'intermédiaire d'un support concret, la langue qui le véhicule. L'exploitation du renseignement qui va du recueil de l'information à la restitution d'un renseignement utile à l'action passe donc immanquablement par la maîtrise de l'information. 

Si la carence de savoir à laquelle le renseignement doit remédier, qui indique le caractère non disponible de l'information recherchée, a toujours favorisé une perception du renseignement focalisée sur la récupération physique d'informations difficiles d'accès, elle ne doit pas cependant occulter l'exploitation qui on l'a vu repose sur la maîtrise de l'information. Dans notre société mondiale de l'information, la perception que l'on a du  renseignement doit évoluer pour se focaliser sur son exploitation et la maîtrise d'une information surabondante de plus en plus difficile à organiser et à trier.

FB

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