Un État de droit, « concept juridique, philosophique et politique » selon Wikipédia, indique, pour un État, la prééminence du droit sur le pouvoir politique, et donc le respect de la loi par tous, gouvernés comme gouvernants. Sans majuscule, l’expression "état de droit" est utilisée comme peuvent l’être les expressions "état d’urgence", "état d’exception" ou "état de siège", dans lesquelles le mot "état" indique une situation, et non le corps politique (l’État). Ainsi peut-on parler avec Rousseau du passage de l’état de nature à l’état de droit, mais on dira que la République française est un État de droit.
Au fil des siècles, l’expression État de droit a pris valeur de dogme démocratique, à partir d’une définition très générale indiquant la soumission de l’État au droit, pour se référer plus précisément au respect de la hiérarchie des normes juridiques, puis à une soumission aux "droits fondamentaux" de l’espèce humaine (les droits de l’homme). Cette expression qui s’applique au respect du droit par l’État s’étend alors au concept d’état de droit que l’on opposerait à l’état de nature, dans une vision proche des concepts anglo-saxons de rule of law (prééminence du droit sur le pouvoir politique) et de common law (droit fondé sur la jurisprudence). Dans une vision du droit civil issu de la tradition romano-germanique, on s’approche là du concept de droit naturel par opposition à celui de droit positif. Cette vision anglo-saxonne du concept d’état de droit, qui semble devoir s’imposer aujourd’hui à l’échelle de la communauté internationale du fait probablement de la domination exercée par les États-Unis sur les affaires du monde depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, s’applique désormais couramment au respect du droit par l’État et donc à l’expression État de droit. On est face à un paradoxe qui voudrait que l’on s’oppose à l’état de nature en instaurant un état de droit fondé sur la prééminence d’un droit dit naturel parce qu’il se réfère à la nature même de l’espèce humaine, auquel l’État devrait se soumettre ainsi que le droit dit positif qui émane de la volonté du peuple dont il est le corps politique.
La France est un pays de droit civil à tel point que l’on parle de droit napoléonien pour désigner le principal système de droit civil issu de la tradition romano-germanique encore en vigueur dans le monde. Le Code Civil français promulgué par Napoléon et dont près de la moitié des articles d’origine subsistent encore aujourd’hui, a en effet connu un rayonnement mondial extraordinaire qui a survécu bien au-delà des conquêtes napoléoniennes et de l’expansion coloniale du XIXème siècle. La République française est un État de droit parce que le pouvoir politique (exécutif, législatif et judiciaire) y est entièrement soumis au droit. La question est de savoir de quel droit on parle. S’agit-il, dans le respect de la tradition romano-germanique, d’accorder la priorité au droit positif dit par la loi, les décrets ou les règlements à l’échelle nationale et par les accords et traités en vigueur à l’échelle internationale ? Ou bien s’agit-il plutôt de se conformer à la tradition anglo-saxonne et à une hiérarchie des normes qui place le droit naturel à son sommet, impliquant ainsi la soumission à un droit qui n'a pas besoin d’être écrit par un législateur pour être en vigueur, et serait universel car indépendant de tout rattachement communautaire national ou supranational ?
Cette première question en entraîne une autre : s’il existe bien un droit international, celui-ci ne peut s’appliquer qu’aux États signataires des traités ou des accords internationaux qui le fondent, qu’en est-il alors de l’universalité que devrait lui conférer son ressort naturel de droit fondamental propre à l’espèce humaine ? Comment donc, concilier cet État de droit avec la civilisation, c’est-à-dire avec les conditions mêmes de la vie en société, qui assure le passage de l’état de nature à l’état de droit ?
En démocratie, la loi est écrite par les représentants du peuple détenteur du pouvoir exercé par lui et pour lui. En l'absence de l’intervention d’un législateur étatique ou d'un organisme supranational organisant les rapports entre États, le droit est dit naturel pour exprimer le fait qu’il n’émane d’aucun pouvoir temporel, et suppléer ainsi au droit positif émanant du peuple. On pourrait tout aussi bien parler alors de droit spirituel, car il n'existe en réalité, à l’échelle de la planète, aucune autorité formelle, aucun pouvoir temporel légitime en mesure de le faire respecter. Dans un État de droit, les juges disent le droit élaboré par la représentation nationale. La jurisprudence peut intervenir dans leurs décisions pour compléter ce que dit la loi écrite par le législateur lorsque celle-ci ne répond pas avec suffisamment de précision à la question posée, mais en aucun cas elle ne peut s’y opposer, pas plus que les droits de l’homme ou n'importe quel autre droit divin ou naturel qui serait "fondamental" pour l’espèce humaine. En république, la hiérarchie des normes ne connaît pas d’autre "ordre sacré" que celui du droit positif qui émane démocratiquement du peuple, écrit par ses représentants détenteurs du pouvoir législatif, dit par les juges détenteurs de l’autorité judiciaire et mis en application par l’État et son gouvernement détenteur du pouvoir exécutif.
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