Dans la terminologie politique , la notion de pouvoir est le plus souvent exprimée par un suffixe emprunté du grec kratos, « pouvoir, puissance », dérivé de kratein, « exercer le pouvoir », « maîtriser », que l’on retrouve dans « démocratie ». Mais, l’idée de pouvoir peut être aussi exprimée par le suffixe arkhós, « dirigeant, chef, souverain », parfois traduit par « celui qui gouverne », « celui qui commande », qui détient l’autorité, dérivé de arkhein, « commander », que l’on retrouve quant à lui, dans « monarchie ». Selon le dictionnaire grec - français d’Anatole Bailly, le mot arkhê est polysémique en grec ancien. Il désigne tout à la fois le commencement, c'est-à-dire l'origine ou la cause, mais aussi la personne ou la chose qui commence, le chef, le premier d'une série. On retrouve ces nuances dans l’étymologie de « monarchie » (un seul chef), « anarchie » (absence de chef), « oligarchie » (un petit nombre de chefs), mais aussi de « archange » (premier messager) ou de « hiérarchie » (ordre de primauté à caractère sacré).
Le pouvoir, c’est donc à la fois une affaire de puissance ou de force, mais aussi une affaire de commandement, de primauté ou de chef. C’est « du présent tout entier tourné vers l’avenir », nous dit Comte-Sponville, qui distingue « le pouvoir de, qu’on appellerait mieux puissance », (potentia, en latin) ou potentialité d’agir, et « le pouvoir au sens strict », (potestas, en latin) ou « pouvoir sur », qui est une forme de la puissance, mais plus spécifiquement, « le pouvoir de commander et de se faire obéir ». Le pouvoir, au sens strict, porte donc sur « la volonté » des autres.
D’où un lien fort entre pouvoir et autorité, qui permet néanmoins de préciser le concept de pouvoir politique en le distinguant clairement de celui d’ autorité. En politique, l’ autorité, c’est de l’action « en puissance » (potentia) ou du possible dans un futur indéterminé, la potentialité d’agir ou le « pouvoir de », tandis que le pouvoir, c’est ce « sens strict » (potestas) évoqué par Comte-Sponville, cette forme de puissance que donne la force ou ce « pouvoir sur » qui permet de dominer l’autre. Cette distinction, c’est ce qui différencie fondamentalement l’autorité judiciaire, des deux pouvoirs politiques que sont l’exécutif et le législatif. Ainsi, la séparation des pouvoirs qui s’est érigée en pilier de nos démocraties modernes, ne se justifie en réalité qu’entre l’exécutif et le législatif qui sont les seuls organes politiques à exercer le pouvoir. En ce qui concerne le judiciaire cette séparation est un truisme, et n’a donc pas lieu d’être considérée autrement que comme une évidence : elle s’impose tout naturellement, puisqu’il s’agit de concepts fondamentalement distincts.
Exercer le pouvoir, c’est exercer certes, une domination, mais celle-ci, en démocratie, doit être légitimé par le ministère incontesté d’une autorité distincte de celui qui l’exerce. Celle-ci doit être reconnue comme juste et équitable, soit fondée en droit ou sur la raison, par ceux sur lesquels elle s’exerce, qui acceptent ainsi le devoir de s’y soumettre.
Le pouvoir, c’est une forme particulière de la puissance tournée vers l’avenir, mais qui s’exerce dans le présent, strictement encadrée par le droit. C’est le droit de commander pour celui qui l’exerce, associé au devoir volontairement consenti d’obéir pour ceux sur lequel il s’exerce.
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