Le rapport définit en effet « l’intelligence économique comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution [aux acteurs économiques] de l’information utile », «en vue de son exploitation ».
La protection n’apparaît pas dans la définition proprement dite, mais de manière tout-à-fait annexe en précisant que « ces diverses actions [les actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution de l’information utile], sont menées de manière légale et avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine ». L’influence n'apparaît pas non plus. Pourtant, le rapport précise ensuite que la notion d’intelligence économique implique « le dépassement des actions partielles désignées par les vocables de documentation, de veille, de protection du patrimoine concurrentiel, d’influence ».
Protection et influence, conditions de réalisation de l'action, n’apparaissent donc logiquement pas dans la définition stricto sensu de la fonction, mais sont néanmoins curieusement désignées comme de véritables activités spécifiques de l’intelligence économique, même si elles ne sont que "partielles". Cet étonnant raccourci mélange en réalité les conditions de réalisation (légalité et sécurité) d’une activité (l’intelligence économique) avec l’activité elle-même. Il confond en outre une contrainte s’appliquant à l’activité en question (la légalité) avec une garantie supposée lui être donnée (la sécurité). Ce double raccourci s’avère à notre avis doublement vicieux, car il porte en lui toutes les dérives qui plombent en France le concept d’intelligence économique depuis ses origines.
Mettant en effet dans le même sac ces deux notions particulièrement interdépendantes que sont la légalité et la protection, et oubliant la qualité de simple condition à garantir de la seconde pour la confondre avec l’action elle-même, il estompe totalement la qualité de condition à respecter de la première. La condition si essentielle de respect de la légalité s’efface ainsi devant un impératif de sécurité qui fait de la protection une action d’intelligence économique à part entière. Celle-ci va d’ailleurs devenir par la suite un des trois piliers de la discipline avec l’exploitation de l’information utile (recherche, traitement et distribution) qui si l’on en croit la définition initiale suffit à caractériser l'activité d'intelligence économique, et l’influence qui vient se greffer sur ce dispositif disparate sans que l’on sache véritablement pourquoi.
Exit alors la légalité qui devrait aller de soi, mais qu’il devient nécessaire de rappeler à chaque instant tant les dérives paraissent faciles ou en tout cas tentantes. À force d’expliquer non sans raison, mais avec beaucoup de légèreté source de grande ambiguïté, qu’il est nécessaire de bien connaître les méthodes des voyous pour mieux s’en protéger, la discipline s’est dotée d’une image sulfureuse que l’utilisation d’un anglicisme largement connoté par les pratiques d’espionnage des grandes "agences" ne contribue pas à atténuer. Le mélange des notions de légalité et de protection, ainsi que la confusion entre contrainte de l'action, garantie à lui assurer et l'action elle-même, qui fragilisent le concept en en obscurcissant les contours, sont probablement à la source de bien des difficultés d’interprétation qu’il rencontre.
Ainsi, le concept d’intelligence économique, s’éloignant peu à peu de l’exploitation de l’information utile (recherche, traitement et distribution) qui fonde sa fonction, se dissout peu à peu dans le concept stratégique au point de se confondre en tous points avec la fonction stratégique (on peut lire utilement sur ce sujet un article publié il y a quelques années déjà : "Faut-il laisser l’intelligence économique se dissoudre dans le management stratégique ?", Agoravox, 13 déc 2007).
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