jeudi 18 juin 2020

Le système d’information et de communication - Définitions

Les mots sont, dans le dictionnaire, comme des amers portés sur la carte marine, des repères qui permettent de naviguer sur le vaste océan des idées. Comme eux, ils doivent s'identifier avec précision aux objets conceptuels qu'ils désignent sur les rivages de l'esprit. Sans la discipline de cet exercice d'identification rigoureux, nul ne peut espérer arriver à bon port et atteindre les lumières de la connaissance en évitant les écueils, dangers et autres sirènes dont sont pavées toutes les aventures de la pensée humaine. La conception de systèmes d’information n’échappe pas à l’exercice préalable de cette discipline, avec toute la rigueur qui doit s’appliquer à un véritable travail scientifique.


La question qui se pose aux concepteurs de systèmes d’information et de communication, peut se formuler de la manière suivante : « comment faire pour réaliser des systèmes d’information adaptés aux besoins opérationnels de leurs utilisateurs, en brisant les cloisons de verre qui demeurent entre experts métiers et experts systèmes et freinent trop souvent la conception de systèmes efficaces ? ». L’objectif du projet étant ainsi posé, il reste à en délimiter le périmètre. S’agissant d’un système d’information et de communication, on a vu en introduction l’importance de cette deuxième jambe de l’InfoComm qu’est la communication, comme de son outil méthodologique pour le passage de l’implicite à l’explicite et de son outil technologique que demeure le document désormais électronique.

Périmètre

On parlera donc de pratique documentaire pour désigner cette alliance instrumentale entre méthodologie et technologie au service de la communication. Elle repose sur le traitement des données accumulées dans des systèmes numériques de gestion de bases de données assimilables à une mémoire implicite, mais elle ne peut délivrer un produit de l’intelligence que grâce à l’exploitation collective de la connaissance qui s’en dégage (l’in-formation), conçue dans des systèmes électroniques de planification de l’activité documentaire, assimilables à une mémoire explicite. Mais avant de s’intéresser à ce passage de l’implicite à l’explicite, qui est indispensable à la communication, et demeure une barrière difficile à franchir entre data et connaissances dans les systèmes d’information traditionnels, il est important de fixer le vocabulaire, en s’appuyant sur le modèle aristotélicien (épistêmê et endoxe) que nous avons choisi pour guider nos observations théoriques et leurs applications pratiques. Il s’agit tout simplement de préciser les contours des concepts que l’on manipule et dont on observe la traduction concrète dans la réalité, pour en organiser la pratique et en décrire les techniques, ou les savoir-faire associés, destinés à en garantir l'efficacité.

Données, connaissance, savoir, information

À l’image de la décomposition des data en big data, smart data et thick data, dans des systèmes numériques assimilés à la mémoire implicite, le terme générique d’information (désormais numérique) se décline donc en donnée, connaissance puis savoir, avec pour support, le document (désormais électronique). S’agissant de termes d’usage particulièrement courant, leurs différentes acceptions sont multiples quand on puise dans une littérature balayant l’ensemble des disciplines qui en ont l’usage, du droit à la physique en passant par l’informatique et la cybernétique. Pourtant, ce sont les piliers fondamentaux d’une science (les sciences de l’information et de la communication) dont les développements pratiques doivent pouvoir s’appliquer à tous les secteurs d’activité et à tous les usages. Tous les secteurs d’activité sont amenés à traiter de l’information, et les usages qui en sont fait, du recueil des données à la transmission des savoirs, en passant par l’acquisition, la capitalisation et le partage des connaissances, peuvent obéir aux mêmes règles générales. Sans accord sur les définitions, il y a là, une deuxième barrière qui s’oppose à la conception de systèmes d’information et de communication véritablement efficaces, en empêchant les usagers de secteurs d'activité divers et variés de s’entendre entre eux et avec les concepteurs de systèmes, dans une même langue partagée par tous.

Définitions

Les définitions qui suivent doivent donc être considérées comme des hypothèses de travail clairement établies afin d’assurer aux énoncés méthodologiques qui se dégagent de nos observations, l’intelligibilité nécessaire à leur compréhension, à la pertinence de leurs développements pratiques et au caractère innovant de leurs applications. Elles ne sont pas incompatibles avec les définitions communément reconnues dans la littérature relative aux sciences de l’information et de la communication ou à la gestion des connaissances, mais elles leur apportent des compléments ou des précisions utiles réalisées dans le seul souci de faire progresser la science en innovant, afin de mieux répondre aux besoins toujours très forts des usagers, et pourquoi pas de refonder l’édifice sur des définitions correspondant mieux à leurs points de vue.
Tout dépend en effet du point de vue de celui qui manipule ces concepts en fonction de ses besoins, c’est-à-dire, de son activité :
-       Celui qui envisage ces concepts de manière globale et neutre, parlera d’information, afin par exemple, de désigner la discipline qui les régit et les englobe tous.
L’information, c’est une image (ou la trace) de la manifestation concrète d’un fait dont elle est indépendante. C’est une trace (ou forme) sensible ou perceptible, visuelle (image ou graphisme), tactile, gustative, auditive ou olfactive de la réalité observable (un fait, événement, phénomène ou simple état). Elle se dissocie de la manifestation concrète de cette réalité dont elle emporte une représentation abstraite. C’est à la fois un objet physique (forme sensible) et un concept immatériel (abstraction). Elle est physiquement indépendante de la manifestation concrète du fait (la réalité observable) dont elle est néanmoins le reflet conceptuel que l’on souhaite le plus fidèle possible. Selon l’utilisation qui en est faite, elle peut être tour à tour, donnée, connaissance ou savoir.
-       Celui qui cherche une solution à un problème qui se pose à lui, parlera de données.
La donnée, c’est une information qui entre dans le système (la mémoire),  quelle que soit sa forme sensible (image, contact, saveur, son ou odeur). C’est une observation choisie ou sélectionnée avec discernement, parce qu’elle est susceptible d’être un paramètre d’une équation dont la résolution est nécessaire à la pratique d’une activité déterminée. Elle participe à la solution d’un problème lié à cette activité.
-      Celui qui, en lien avec cette activité, cherche à comprendre son environnement parlera de connaissance.
La connaissance est une information mémorisée donc interprétée. Un lien a été établi entre la « trace » (ou l’image observée) et la manifestation concrète du fait qu’elle représente. C’est une étape de la trans-formation d’une in-formation par l’intelligence (une lecture) correspondant à la mémorisation. Une même information pouvant donner lieu à plusieurs lectures, elle peut engendrer un ensemble de connaissances différentes, voire contradictoires. La co-nnaissance est une com-position réalisée par intégration (ou genèse) de savoirs élémentaires (des données sélectionnées), permettant d’établir entre eux un lien qui les fédère en leur donnant un sens nouveau, engendrant ainsi un nouveau savoir.
-      Celui qui veut agir ou décider dans l’action parlera de savoirs.
Le savoir est un enregistrement de l’effet produit par un signal sur un sujet dans sa mémoire, qu’il soit ou non suivi d’une réaction apparente. Le mot vient du latin sapiō, sapis, sapere « avoir du goût, du discernement » (en parlant des gens). D’où la notion de discernement, que l’on retrouve dans celle de sens, « puissance innée de discernement » chez Aristote. Le savoir se situe à l’étape de la transformation suivant la connaissance, qui correspond à une appropriation c’est-à-dire à un effet produit sur un sujet, qu’il soit ou non suivi d’une réaction apparente.
À noter qu’on se place ici d’une manière très pragmatique, du point de vue de l’usager, celui qui a besoin d’information pour mener à bien son activité, le data manager en quête de solution aux problèmes qui se posent à lui, le knowledge manager en quête de connaissances nécessaires à la compréhension de son environnement ou le décideur en quête de savoirs utiles à l’action, ou bien encore, le scientifique à la recherche d’observations pertinentes qu’il sélectionne avec discernement, pour agir avec méthode et créer avec habileté des produits qui répondent aux besoins des data managers, des knowledge managers et des décision makers. Une approche user centric en quelque sorte, pour sacrifier à la mode de l’anglais dominant le vocabulaire des nouvelles technologies de l’InfoComm.
 

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