mardi 6 octobre 2020

La conception de Systèmes d'Information (2)

 Fiabilité, justesse, pertinence, évaluation de l’information : une question de périmètre

Rien n'est plus proche du vrai que le faux (Einstein).

La théorie du sens dont nous avons tracé précédemment les grandes lignes permet donc de briser des cloisons entre différentes disciplines que le développement extraordinaire des technologies de l’information et de la communication a contribué à renforcer. La première de ces cloisons se situe entre les sciences de l’ingénieur régnant sur la donnée, et les sciences humaines qui semblent devoir s’imposer pour l’exploitation "ana-logique" de l’information, c’est-à-dire, allant à rebours de la logique du traitement numérique des données. C’est le franchissement de cette barrière entre informatique et information, qui permet d’aller au-delà de la donnée numérique s’accumulant dans des systèmes informatiques, pour en tirer l’information pertinente qui fait le système d’information.


Bien plus que les critères de fiabilité ou de vérité, au demeurant bien difficiles à évaluer, c'est celui de pertinence (ou de justesse indiquant l'ajustement au besoin), qui doit être pris en compte dans l'évaluation de l’information générée par le système. Seule en effet à embrasser les trois volets du triptyque du sens, la notion de pertinence est centrale pour le système d’information qui a pour vocation de répondre à un besoin de savoir pour décider et agir.

 « Le 29 Mai est un mardi ».

La source de cette information est-elle fiable ?

Sans nul doute, si on se fie à la réputation de l’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Éphémérides (IMCCE).

Cette information est-elle vraie ?

Mais pas du tout, vous n’y êtes pas malheureux, ceux qui le prétendent ne sont que des amateurs qui déshonorent la profession ! Ce jour est exprimé suivant le calendrier Julien, remplacé le lendemain du jeudi 4 octobre 1582 par le vendredi 15 Octobre du calendrier Grégorien. Le jour de la semaine dans ce dernier calendrier, c’est pas du tout la même chose !

Cette information est-elle pertinente ?

Vous comprenez mon petit Monsieur, faudrait peut-être me dire ce que vous voulez en faire de cette information si vous voulez que je vous réponde !

Ce jour-là, le 20ème jour de la Djoumada-l-Oula de l’an 857, alors qu’aucune chapelle ne parvenait à faire admettre sa vérité quant au sexe des Anges, le Sultan Mehmet II dit « e Conquérant » passait les brèches des murailles de ce qui ne s’appellerait plus jamais Byzance.

Un peu comme les Byzantins se querellaient jadis à propos du sexe des anges pendant que les Ottomans envahissaient leur ville, les entreprises peuvent ainsi discuter à l’infini des critères de vérité pendant qu’un tsunami d’informations envahit leurs métiers. Une information n’est, en toute rigueur, ni vraie ni fausse, mais seulement juste au regard de son utilité (c’est-à-dire suffisante pour permettre une interprétation correcte), ou tout simplement trop imparfaite pour être utile. C’est son interprétation qui peut être soumise à un critère, non pas de vérité, mais de réalité qui conditionne la justesse de la décision (cette information me permet-elle de prendre la bonne décision ?).

L'information s’évalue donc au regard du besoin de sens qui l’engendre : c’est sa pertinence qui fait sa qualité essentielle.

Par expérience, on sait la complexité des processus cognitifs à l’œuvre dans l’élaboration des savoirs. Ceci devrait nous inciter à éviter le principal piège de toute entreprise théorique concernant la conception de systèmes d’information, qui consisterait à vouloir modéliser les opérations d’évaluation de l’information. On connaît leur effroyable complexité à laquelle seule l’impénétrable efficacité naturelle de l’intelligence humaine semble, dans l’état actuel de nos connaissances, prétendre pouvoir s’attaquer efficacement.

Il faut donc, je crois, se limiter avec pragmatisme à l’examen de l’enchaînement des grandes étapes de la construction du sens dans la mémoire, sans se préoccuper outre mesure des notions d’objectivité et de subjectivité, de fiabilité ou de vérité. L’épineuse question de la véracité de l’information doit être selon moi renvoyée à des travaux bien plus complexes sur les processus d’évaluation et d’estimation, qui dépassent largement le cadre de la conception d’un système d’information efficace dont la mise en œuvre doit être, rapidement opérationnelle.

 

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