C’est faute de reconnaître le rôle majeur de la
documentation dans l’organisation de nos systèmes d’information ingérant massivement
des données de toutes sortes, que l’on a tant de mal à exploiter les contenus
de plus en plus hétérogènes de silos de données inopérants ou de data hub
terriblement complexes à gérer. Si les progrès de l’informatique et de
l’intelligence artificielle peuvent laisser espérer de grandes améliorations en
matière de traitement des données de masse emmagasinées dans des data hub,
ces plate-formes de données, privées de l’indispensable médiation d’un
véritable support documentaire opérationnel, ne pourront jamais prétendre au
statut de système d’information. Pour être véritablement efficace, ce dernier
doit en effet pouvoir se comporter au sein de l’entreprise ou de toute autre
organisation collégiale, comme une mémoire collective dont l’animation est
assurée par chacun de ses membres exploitant dynamiquement une documentation
vivante. La technologie qui a fait évoluer le document tout au long de
l’histoire, de l’individuel au collectif, l’a en effet, plus récemment, fait
évoluer du statique au dynamique. De l'argile dont étaient faites les tablettes
sumériennes, à l'électronique qui remplace désormais le papier comme support,
les contenus se sont diversifiés depuis les premiers pictogrammes de la région
de Sumer, pour s'élargir au cours du siècle dernier aux sons et aux images, qui
s'ajoutent aux textes désormais numérisés comme eux sur un même média
électronique bien plus vivant que le papier.
L'activité documentaire d'une collectivité, désormais
facilitée par la dissémination et la convivialité des outils numériques, ne
doit plus être aujourd'hui réservée aux seuls professionnels de la
documentation. Elle peut et doit être planifiée au sein du groupe pour
permettre à l'ensemble de ses acteurs de l’exploiter de manière dynamique dans
un véritable système d’information conçu pour acquérir et capitaliser dynamiquement
des connaissances. Les documents y sont collectés, sélectionnés, puis regroupés
et organisés, pour présenter leurs contenus, soit de l'information ou des
données contextualisées et mises en perspective, c’est-à-dire exploitées.
Exploiter des données, c'est les enrichir, leur donner du sens, leur apporter une
valeur ajoutée, et permettre ainsi de partager une information pertinente sur
des sujets en perpétuelle évolution, dans le but d’élaborer des savoirs
dynamiques communs, favoriser les échanges et émettre collectivement de nouveaux
documents porteurs de données nouvelles, de recommandations, d’avis ou de
décisions éclairées. Notre mémoire collective n’est pas qu’un système
d’information. Il est indissociable de la notion de communication que l’on
retrouve dans le nom de la discipline dont relèvent mes travaux de recherche
(les Sciences de l’Information et de la Communication).
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