jeudi 23 octobre 2025

du GOUVERNEMENT des hommes, de la CONDUITE de l’ÉTAT et du bon RÉGIME politique (complément)

     « Pourquoi (nos élites) tiennent-elles un cap contre vents et marées, même quand il conduit au désastre ? » s’interrogeait récemment Pierre Vermeren dans une tribune du FigaroVox en date du 15 octobre 2025. La réponse qu’il nous propose tient dans ce constat que « l’un des traits les plus saillants » de nos élites est « leur constante méfiance envers un peuple tenu en suspicion de radicalisme et d’extrémisme ». 

Dans la sorte de monarchie républicaine, à la fois démocratique et aristocratique proposée par Aristote, dont le régime de la Ve République tel qu’il a été conçu à l’origine par le général de Gaulle se rapproche assez nettement, c’est au peuple, nous l’avons vu, de décider de son destin, à l’État de lui fournir le moyen de faire route pour l’atteindre, et à son chef d’en assurer la conduite. Ce n’est pas l’élite, l’aristocratie gouvernementale ou parlementaire, qui fixe le cap, mais le chef de l’État. Ce dernier, détenteur suprême du pouvoir exécutif dont il délègue une large part à son gouvernement, n’est pas responsable comme celui-ci devant la représentation populaire, mais directement devant le peuple. Cette responsabilité portée par une élection au suffrage universel direct est la pierre angulaire de nos institutions. Elle justifie la nécessité de donner au peuple le pouvoir de désigner le chef de l’État, par la voie du suffrage universel direct, mais également de le démettre par cette même voie. Cette « méfiance » du peuple de la part de nos élites, que dénonce Vermeren, est à mon avis le signe incontestable d’un glissement du régime vers la double perversion tyrannique et oligarchique dont Aristote nous soulignait les risques inhérents respectivement à la monarchie et à l’aristocratie. Pour éviter ces dérives délétères, nos démocraties modernes s’appuient sur la responsabilité du gouvernement devant la représentation populaire du Parlement qui permet de parer le risque oligarchique, et sur la limitation du mandat présidentiel dans la durée afin d’échapper au risque tyrannique.

On voit bien aujourd’hui que cette limitation dans le temps n’est pas suffisante pour écarter toute tentation de se couper ponctuellement de la volonté populaire. Si cette tentation peut être évitée en ce qui concerne le gouvernement, par l’engagement de sa responsabilité devant la représentation parlementaire, elle est moins certaine de l’être pour ce qui est du chef de l’État. C’est en effet, parce que sa responsabilité politique ne peut être mise en cause que notre Président maintient son « cap contre vents et marées », alors même que la majorité de son peuple, constate chaque jour un peu plus que celui-ci le « conduit au désastre ». Le risque est grand dès lors, que derrière l’homme ce soit aussi la nature « monarchique » de notre Ve République que l’on rejette. S’il est à l’évidence nécessaire de corriger les dérives de nos institutions qui ont fini par en trahir l’esprit d’origine, il serait, à mon avis, funeste d’en envisager une quelconque réforme conduisant à l’instauration d’une nouvelle République. Ce serait oublier que le fondateur de ces institutions assumait la responsabilité politique de sa charge devant le peuple souverain, en considérant que son siège était remis en jeu à chaque consultation nationale. Le jour où il constata le désaveu de son peuple à l’occasion d’un référendum, le général de Gaulle sut qu’il lui revenait de se démettre.

Si l’élection au suffrage universel permet de désigner un chef d’État, chargé de donner un cap susceptible de respecter la volonté populaire, il est plus difficile, on le voit bien désormais, de l’empêcher de maintenir ce « cap contre vents et marées », quand il devient clair qu’il « conduit au désastre ». Plutôt que de limiter la durée de son mandat de sept à cinq ans, peut-être aurait-il mieux valu imposer un retour au peuple après chaque changement de majorité parlementaire, qui aurait pour effet de démettre le Président ainsi privé de sa majorité. Cette mesure pourrait être complétée par une obligation qui lui serait faite de recourir à une question de confiance adressée directement au peuple, dans l’année qui suit toute dissolution de l’Assemblée ou toute motion de censure contre le gouvernement. Ce serait ainsi un bon moyen d’éviter cette tentation de dérive tyrannique que révèle bien le maintien actuel par le chef de l’État, de son cap « contre vents et marées », par simple peur du retour au peuple.

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