mercredi 1 décembre 2010

Information et sexe des anges

L'effroyable complexité de la notion d'information doit elle nous inciter à fuir tout débat à son sujet en considérant qu'elle ne peut donner lieu qu'à des discussions byzantines ? Je pense bien au contraire qu'elle doit nous encourager à tenter d'en maîtriser quelques aspects élémentaires sans pour autant prétendre accéder à une quelconque vérité sur le sexe des anges.

Cette réflexion m'a été inspirée par une petite "parabole" retrouvée dans un commentaire signé "LG58" à propos d’un article de Robert Guillaumot paru le 2 mars 2008 sur le blog Les Echos, et intitulé La pertinence des sources en danger.

"Le 29 Mai 1453 est un mardi."
La source de cette information est-elle fiable ?
Sans nul doute, si on se fie à la réputation de l’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des éphémérides (IMCCE) et/ou des ses tutelles ; CNRS, Ministère de l’Éducation nationale ; CNES.
Cette information est-elle fiable ?
Mais pas du tout, vous n’y êtes pas malheureux, ceux qui le prétendent ne sont que des amateurs qui déshonorent la profession ! Ce jour est exprimé suivant le calendrier Julien, remplacé le lendemain du jeudi 4 octobre 1582 par le vendredi 15 Octobre 1582 du calendrier Grégorien. Le jour de la semaine dans ce dernier calendrier, c’est pas du tout la même chose !
Cette information est-elle pertinente ?
Vous comprenez mon petit Monsieur, faudrait peut-être me dire ce que vous voulez en faire de cette information si vous voulez que je vous réponde !
Ce jour là, le 20ème jour de la Djoumada-l-Oula de l’an 857, alors qu’aucune chapelle ne parvenait à faire admettre sa vérité quant au sexe des Anges, le Sultan Mehmet II dit "le Conquérant" passait les brèches des murailles de ce qui ne s’appellerait plus jamais Byzance.
Au-delà de la boutade dont on peut penser en première approche qu'elle vise à dénoncer le caractère futile de ce débat, il faut s'interroger sur le bien-fondé (je devrais dire la pertinence J) de cette première analyse, et s'attarder un peu sur la morale de l'histoire. On peut en tirer selon moi trois enseignements qui méritent d'être très largement médités dans le cadre de toute réflexion sur la notion d'information et des acteurs qui l'entourent sur le grand théâtre de la pensée. Sources, raisonnement, sens, enseignement, discours, communication, y sont tous revêtus des costumes taillés dans le vrai et le faux de la réalité ou de la fiction, dont on peut être tenté de juger la pertinence, la justesse, ou la fiabilité.

Premier enseignement, une source fiable peut formuler une proposition exacte, mais émettre une information incomplète dont la justesse de l'interprétation peut être remise en cause (ici, la proposition émise mérite d'être complétée par une référence au calendrier pour constituer une véritable information).

Second enseignement, à la différence d'une proposition, une information n'est ni vraie ni fausse, mais seulement complète ou incomplète. Seule son interprétation qui donne lieu à proposition peut être soumise au critère de vérité. Une information sera dite juste pour indiquer qu'elle suffit au sens (interprétation) que l'on peut donner à son contenu. L'information répond donc à un besoin de sens, mais ne peut être confondue avec ce sens lui-même qu'elle porte.

Troisième enseignement, la pertinence n’a de sens qu’en rapport à une question : telle réponse ou tel renseignement est ou n’est pas pertinent au regard du besoin auquel il répond. Une information sera jugée pertinente au regard du sens qu'elle porte et du besoin qu'elle satisfait.

Cette notion de pertinence est d'autant plus centrale en matière de renseignement que ce dernier se distingue de l'information par le fait qu'il répond à un besoin de savoir pour agir qui le caractérise entièrement : le renseignement, c'est l'information juste, juste à temps, au service de l'action juste. Bien plus que les critères de fiabilité, de vérité ou d'exactitude, au demeurant bien difficiles à évaluer, c'est celui de pertinence (ou de justesse indiquant l'ajustement au besoin), qui doit donc être pris en compte dans l'évaluation du renseignement.


Sans tomber exagérément je l'espère dans la tétratrichotomie que d'aucuns ne manqueront pas de me reprocher, ces enseignements me paraissent importants à dégager pour mieux cerner les nombreuses difficultés liées à la manipulation et au traitement de cette matière première si délicate qu'est l'information, en particulier sa qualification (valeur, sensibilité). Ils montrent la nécessité pour cela de s'intéresser à toute l’étendue du champ couvert par l’information, qui peut aller en théorie de la notion linguistique de signifiant (à l'exclusion du signifié qui relève de la proposition) jusqu’à la notion élémentaire de signe objet de la sémiotique introduisant, au-delà du signifiant, le stimulus et le référent.


FB

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