jeudi 16 avril 2020

Faire parler ses données, en exploiter le sens, pour donner du sens à l’action (5/7)

Cinquième partie.

Épistêmê, endoxe et sens

Data et connaissances, informatique et information, mémoire implicite et explicite

De plus en plus de spécialistes des data en entreprise font ce constat récurrent, que les usages opérationnels ne parviennent pas à s’approprier les outils que la technologie informatique et ses systèmes intégrés peuvent leur offrir. Face à des processus professionnels de plus en plus complexes, la technologie seule semble impuissante à répondre aux besoins des usagers dans la pratique opérationnelle de leur métier. Au-delà de l’ingénierie informatique, une certaine interdisciplinarité entre sciences exactes et sciences humaines peut dès lors, nous inciter à faire appel à une forme d’ingénierie de la connaissance. Pour ce qui me concerne, j’ai pensé utile de m’affranchir de toute sorte d’ingénierie en envisageant la fonction cognitive d’une manière radicalement différente, qui ne s’oppose pas à l’informatique ou aux différentes formes d’ingénierie des connaissances, mais qui en est parfaitement complémentaire en s’y agrégeant comme un prolongement indispensable. C’est en particulier, je crois, un élément indispensable à la réussite de tout projet d’architecture informatique.
C’est peut-être là qu'on peut regretter ces « cloisons de verre » entre différents types d’expertises qui freinent la mise en œuvre de cette transformation numérique dans l’entreprise, parce que experts scientifiques, experts systèmes et experts métiers ne parviennent pas à s’entendre. Pour moi, plus que des cloisons entre experts, je vois là un véritable plafond de verre qui nous empêche de passer des systèmes informatiques que nous proposent les data scientists, aux véritables systèmes d’information que réclament les utilisateurs opérationnels (chercheurs dans leurs labos et au sein de la communauté scientifique, salariés en entreprise et dans leur environnement économique, citoyens chez eux et dans leur écosystème socioculturel).  C’est cette frontière naturelle qui semble infranchissable entre, d’une part, les techniques numériques, l’informatique, qui fait appel au calcul, les algorithmes ou une intelligence que l’on dit artificielle, et d’autre part, la méthodologie ou le formalisme analogique de l’information, qui fait appel à la pensée et à une intelligence reposant sur ces vertus aristotéliciennes qui sont proprement humaines : discernement, méthode puis habileté. Comme la frontière séparant la part inconsciente de la fonction cognitive (la mémoire implicite), de sa part consciente (la mémoire explicite), cette frontière ne doit pas constituer une barrière infranchissable (ces deux types de mémoires sont complémentaires), mais c’est une distinction qu’il est nécessaire de bien marquer entre deux domaines de fonctionnement fondamentalement différents. 
Dans le second (celui de la mémoire explicite), les 5 sens et l’intuition sont essentiels (avec des performances que la technique est parfois très loin de supplanter), le sens de la flèche en est la boussole, tandis que le sens des mots en fait la principale force, à condition d’être partagé. Il est en effet indispensable de s’entendre sur le sens des mots, à commencer par celui de donnée, dont je crois utile ici de retenir la définition que nous en donne Bergson au XIXème siècle : « ce qui est perçu par observation directe, indépendamment de tout travail de l'esprit ». C’est à ça aussi que servent ces réflexions sur le sens : à fixer scientifiquement un vocabulaire d’usage ultra courant, et de ce fait, particulièrement protéiforme. Données, connaissance, savoir, information, big data, smart et thick data, sont autant de mots sur le sens desquels ce schéma permet je l’espère de mieux nous entendre.
(à suivre)


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