mardi 27 février 2024

de la nation (T35)

C’est « un peuple », nous dit Comte-Sponville, « considéré d’un point de vue politique plutôt que biologique ou culturel, comme ensemble d’individus plutôt que comme institution »[1]. Ce n’est donc ni une race ni une ethnie, ni nécessairement un État. Mais qu’est-ce donc alors que cet ensemble d’hommes qui ne serait déterminé ni par la génétique, ni par la langue, ni par la culture, ni par le territoire sur lequel il se serait établi, ni même par la religion (du latin religare) qui aurait pu les "relier" ?

Nation nous vient du latin natio signifiant "naissance". Une nation, c’est donc un peuple politique caractérisé par sa naissance. Mais faire intervenir la biologie dans l’idée de nation, c’est en effet  oublier que les populations se déplacent et se mélangent au cours des siècles. Ce n’est donc pas la génétique qui permet de caractériser un peuple en l’identifiant à une nation.

Pourtant, c’est bien l’histoire qui, de génération en génération, de naissance en naissance, façonne un peuple reliant ensemble des individus pour faire "nation". Mais ce n’est pas la transmission de caractères biologiques héréditaires que l’idée de naissance évoque ici, c’est une autre sorte de transmission qui justifie l’emploi du mot "nation" et le recours à l’idée de naissance. Contrairement à ce que la définition évoquée plus haut pourrait nous laisser entendre, c’est bien l’éclosion d’une culture commune portée par une langue maternelle, que l’idée de naissance suggère. Cette culture façonnée par une histoire commune, forge avec le temps, une volonté de vivre ensemble ou de faire nation. Associée à un consentement collectif, cette volonté commune se traduit souvent aussi par la pratique d’une religion "reliant" les individus dans une même foi en une origine et un destin partagés. La nation n’est donc pas non plus une ethnie, soit un ensemble d’individus seulement liés par une relative unité d'histoire, de langue ou de culture, mais bien un peuple uni par une volonté commune de s’assembler en un seul corps par consentement mutuel.

Bien qu’elle fasse le plus souvent référence à un établissement ancien ou actuel sur un territoire plus ou moins bien délimité, la nation n’est pas non plus nécessairement un État, soit un corps constitué reconnu comme acteur politique plus ou moins maître de son destin sur une scène géopolitique inter ou pluri étatique (États-Unis d’Amérique par exemple ou États membres des Nations Unies), délimité par des frontières clairement établies.



[1] André Comte-Sponville, Dictionnaire philosophique, puf, 2001, p. 396.

 

Information scientifique et intelligence collective : un langage documentaire universel, pour une approche scientifique du sens de l’État guidée par une conscience politique partagée, au service de l’intérêt général (Terminologie 35).

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