mardi 24 janvier 2023

de la POLITIQUE (T24)

La Politique avec un grand « P », c’est « cette science de l’autorité qui fonde l’État » autant « sur la raison et la dialectique », que sur l’éthique, « dans ce rapport si puissant qui lie étroitement responsabilité individuelle et confiance collective »[1].

Chez Aristote, on a vu qu’éthique et politique étaient étroitement liées, l’éthique s’appliquant à l'individu et la politique à la cité. En inversant l’analogie énoncée à propos de la notion d’éthique, on pourrait dire que la politique doit être au collectif, ce que « l’éthique » est à l’individu, un « ensemble réfléchi et hiérarchisé de nos désirs » collectifs, « fait de connaissances et de choix »[2], associé à une conscience aigüe de l’impérieuse nécessité de compter avec l’autre. S’agissant de la nation organisée en État (équivalent moderne de la cité antique), considérée comme une personne morale une et indivisible, soit un individu libre et responsable, éthique et politique se trouvent dès lors réunies dans une seule et même discipline que l’on pourrait nommer « éthique politique ».

J’éviterai néanmoins d’utiliser cette expression qui désigne souvent, en confondant éthique et morale, l’introduction, l’adoption ou la recherche d’une certaine morale en politique, impliquant ainsi un rapprochement entre morale et politique. En octroyant aux responsables politiques un droit à définir ce qui est bien et ce qui est mal, ce rapprochement conduirait en effet inéluctablement à une politisation de l’espace privé qui marque bien souvent le début de toutes les dérives totalitaires. On préfèrera donc le mot « Politique » avec une majuscule, pour désigner cette discipline très aristotélicienne mêlant étroitement  éthique et politique, grâce à cette intelligence collective qu’une documentation scientifique permet de mettre en œuvre.

Une telle approche  scientifique de la documentation et de l’information dont elle est porteuse, repose sur l’organisation d’une mémoire collective profondément éthique, au sens de Comte-Sponville cité plus haut. Celle-ci s’attache en effet à réaliser cet effort indispensable de « com-préhension », de hiérarchisation et de mise en perspective, des  connaissances individuelles s’agrégeant pour faire sens commun.

L’organisation d’une mémoire collective favorise ainsi la réflexion et l’esprit de synthèse attendu de ceux qui, en charge de prendre des décisions politiques, ont à faire des choix, dans les univers incertains qu’ils ont à affronter en permettant la construction d’une conscience partagée. Le « lien fort » qui unit cette  conscience à la science, est une affaire de sens qui sera déterminé ici par la satisfaction de nos désirs communs, soit l’intérêt général.

La politique est au collectif ce que l’éthique est à l’individu, soit une conscience aigüe de l’impérieuse nécessité de compter avec l’autre. Compter avec l’autre, c’est accepter ses différences et ses défauts en cherchant toujours à les comprendre, sans nécessairement les approuver en particulier lorsque leurs implications semblent incompatibles avec l’intérêt général. Leur compréhension est la base incontournable de tout échange, de toute relation, de toute association ou de toute négociation à l’échelle collective, nationale ou internationale, qui est celle de la politique, comme de toute relation à l’échelle individuelle, familiale, associative ou professionnelle, qui est celle de l’éthique.

Comme l’éthique, la politique est faite de connaissances et de choix : c’est un ensemble réfléchi et hiérarchisé de nos besoins et désirs collectifs. La connaissance comme matière première en fait une science reposant sur la raison et la dialectique. Les choix qui, à l’échelle collective, imposent le recours à une discipline rigoureuse, en font une science de l’autorité qui fonde l’État sur ce lien étroit qu’elle doit entretenir avec l’éthique pour associer responsabilité individuelle et confiance collective, et permettre ainsi une allégeance commune à cette grande cause publique unifiant nos désirs collectifs dans la notion d’intérêt général.

Information scientifique et intelligence collective : un langage documentaire universel, pour une approche scientifique du sens de l’État guidée par une conscience politique partagée, au service de l’intérêt général. (Terminologie 24)

[2] André Comte-Sponville, op. cit. (p. 219).

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