Essai de philosophie politique appliquée (suite)
PROLOGUE (suite)
en passant par les mots …
Avant
donc que d'écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
(Nicolas Boileau).
« Et les mots pour le dire arrivent aisément »... J’ajouterais quant à moi, pour appuyer un peu lourdement, mais avec toute la rigueur scientifique qui s’impose, ce qu’énonce si clairement Boileau avec tout l’art consommé du poète dans l’usage des mots : « … à condition d’être connus avec toute la précision nécessaire à la clarté des idées, à leur fidélité aux réalités observées et à la pureté d’expression d’une pensée cohérente ».
J’aime les mots. Ce sont les images de réalités observées. Ils se souviennent des nécessités qui les ont inventées, et leur histoire dont l’étymologie rend en partie compte leur donne une profondeur et un poids auxquels nous ne prêtons pas toujours l’attention nécessaire. Prêter attention au sens profond des mots, c’est en particulier tenir compte de leur étymologie et de son poids important sur l’inconscient collectif que l’usage linguistique commun contribue à façonner. L'étymologie parfois nous aide à rencontrer ces réalités auxquelles les mots doivent s’identifier avec précision. « Étymologie », par exemple, nous vient du grec etumon (élément authentique d'un mot), lui-même dérivé de etumos (vrai). Littéralement, l'étymologie est la recherche du sens authentique des mots. Cette recherche est souvent riche d’enseignements. Partant de ce que nous dit le dictionnaire, on peut ainsi rechercher le sens juste des mots en s’appuyant sur leur histoire. Dans les dictionnaires, ce sont, comme des amers portés sur les cartes marines : des repères qui permettent de naviguer sur l’océan des idées. Comme eux, ils doivent s'identifier avec précision aux objets conceptuels qu'ils désignent sur les rivages de l'esprit. Sans la discipline de cet exercice d'identification rigoureux, nul ne peut espérer arriver à bon port et atteindre les lumières de la connaissance en évitant les écueils, dangers et autres sirènes dont sont pavées toutes les aventures de la pensée humaine.
Parmi toutes ces aventures, celle de l’information dans notre société de l’information hypermédiatisée, mérite toute notre attention, afin d’identifier avec précision quelques mots utiles à son succès dans la Cité, en reconnaissant ce lien existentiel entre la langue et le peuple qui la parle, qui pense et respire au travers de ses mots. Compte tenu de l’immense complexité des concepts attachés au couple information-communication et à ce « tressage inextricable »[1] que les sciences de l’information et de la communication (SIC) incarnent dans toute leur diversité, ce travail sur le vocabulaire a été conçu comme une balade au fil des mots gravitant autour des concepts centraux d’information, de communication et de documentation. L’intention est d’en contextualiser le sens afin de permettre la conception de systèmes d’information documentaire adaptés à une pratique scientifique de l’intelligence collective dans une mémoire partagée. Le caractère éminemment politique d’une telle mémoire qui, utilisée collégialement, peut tenir lieu de véritable conscience collective, justifie en effet pleinement que la science (informatique et sciences de l’ingénieur bien sûr, mais aussi et surtout sciences de l’information et sciences humaines), s’y investisse pleinement, dans l’esprit d’une conscience politique dûment motivée par le sens de l’État.
Pour comprendre le territoire, il faut dessiner des cartes justes et pertinentes. En assimilant le territoire à un champ scientifique ou culturel, et la carte à un système de pensée, on peut dessiner une carte juste et pertinente de l’espace que nous nous apprêtons à arpenter, à l’intersection de celui de l’infocom avec celui de la philosophie politique. Il s’agit de permettre une navigation sûre dans le dédale de la documentation scientifique ou politique, à l’aide de systèmes d’information adaptés à l’exploitation et au partage des connaissances utiles à la pratique politique et à l’exercice de la démocratie, en s’appuyant sur des concepts dûment identifiés grâce aux mots qui les portent.
C’est donc sous la forme insolite d’une sorte de glossaire que se présente cet essai de philosophie politique appliquée. Il aborde chacun de ces mots sous forme d’items ou d’articles se succédant au fil d’un propos destiné à guider les praticiens dans la pratique des concepts associés, plutôt qu’en suivant un ordre alphabétique plus conventionnel. Chaque item peut néanmoins être consulté indépendamment de la progression du discours, à partir d’un index en fin d’ouvrage indiquant la page où le trouver. Dans la version électronique de l’ouvrage, des liens hypertextes permettent en outre d’accéder aux différents items, à partir des mots correspondants lorsqu’ils apparaissent dans le texte.
[1] Sylvie Leleu-Merviel, La traque informationnelle, Volume 1. ISTE éditions, 2017.
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