vendredi 11 avril 2025

De l'éthique à la politique en passant par la science 3 (introduction - suite)

 

Essai de philosophie politique appliquée (suite)

INTRODUCTION (suite)

de l’individu au collectif…

Dans le monde d’Aristote, prolongé par Thomas d’Aquin, la société était faite de liens correspondant à des hiérarchies acceptées par la communauté au sein de laquelle les différences se complétaient. Dans le monde de Machiavel, de Hobbes et de bien d’autres encore, depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’à nos jours, après que « tout protestant fut pape, une Bible à la main »[1], la différence est devenue inégalité et l’égalité, un idéal absolu impossible à atteindre, masquant le dessein plus réaliste d’une équité raisonnable.

 L’ordre hiérarchique de l'autorité a dès lors cédé la place à l’ordre égalitaire du consensus qui s’est peu à peu imposé dans des démocraties dont l’inclination démagogique est parfois préoccupante. En effet, quand le consensus censé se substituer à la contrainte hiérarchique, s’acquiert par la séduction qui remplace alors l'autorité par l’emprise morale et intellectuelle d’une élite s’emparant du pouvoir, l’idéal égalitaire sombre dans une parodie de démocratie dont le peuple ne peut sortir que par une lutte incessante pour une égalité impossible. Seul un État fort et souverain peut empêcher, de voir cette lutte dégénérer en guerre permanente. Faute d’une hiérarchie légitime, juste et équitable qui fait autorité en ordonnant les rapports des uns avec les autres de manière acceptable et profitable à tous, il y a toujours une domination à combattre. Les conflits se multiplient alors, dégénérant en guerres civiles à l’intérieur des frontières, ou patriotiques à l’extérieur.

Avec l’invention des télécommunications modernes, les extraordinaires progrès envisagés en matière de diffusion et de partage de l’information ou des connaissances, ne peuvent pas se limiter aux seules technologies informatiques de traitement des données dans un univers réduit au calcul. Ils doivent impérativement s’étendre aux méthodes d’exploitation des connaissances et d’élaboration des savoirs, dans un monde faisant plutôt la part belle à une pensée collégiale et à l’action collective qu’elle sert. Seule une maîtrise complète du cycle de l’information, allant du recueil des données à la diffusion des savoirs , en passant par l’acquisition des connaissances, peut donner à l’État le pouvoir d’imposer sa souveraineté pleine et entière, à l’intérieur comme à l’extérieur. C’est en effet, grâce à cette maîtrise intelligente de l’information que son autorité pourra être pleinement reconnue et s’imposer sans autre violence qu’un recours à la force strictement encadré par le droit émanant de la seule volonté des peuples souverains. L’ordre égalitaire du consensus doit ainsi désormais pouvoir se combiner avec l’ordre hiérarchique de l'autorité, pour donner naissance à un ordre équitable de la raison.

Les différences pourront y être acceptées parce que chacun y sera persuadé de sa complémentarité au sein d’une hiérarchie légitime, qui transcende les individus. Chacun pourra agir au sein de cette hiérarchie, en toute connaissance de cause, dans une sorte de raison partagée érigée en cause commune, qui permettra au collectif de se hisser au rang de société. La transcendance de cette cause commune, dont procède une hiérarchie librement consentie, l’incitera à y exercer son libre arbitre, en toute responsabilité, avec toute l’intelligence politique qu’un enseignement de qualité lui aura auparavant permis d’acquérir.

La politique doit être à la Cité ou au collectif, ce que l’éthique est à l’individu, soit un ensemble réfléchi et hiérarchisé de ses intérêts, fait de connaissances et de choix. Une connaissance avisée de son environnement est l’élément clé de toute activité éthique aussi bien que politique. Elle est la matière première d’une conscience aiguë de l’autre destinée à en comprendre les différences pour anticiper les affrontements qui peuvent en résulter. Elle permet ainsi de guider les décisions vers la satisfaction des intérêts propres de chacun en matière d’éthique, ou de ceux de la communauté, soit l’intérêt général, en matière de politique.
 

... suite... 

 
Nota :  Ces premières pages d’un essai traitant d'objets philosophiques utiles à la politique, allant de l’individu au collectif en passant par la science sont destinées à donner un avant-goût de ce que pourra être l’ouvrage une fois terminé. Elles seront rassemblées au fur et à mesure en un seul bloc accessible à partir de l’onglet « Essais » figurant dans le bandeau d’en-tête de ce blog.

[1]     « Alors n’admettant plus d’autorité visible, / Chacun fut de la foi censé juge infaillible ; / Et, sans être approuvé par le clergé romain, / Tout protestant fut pape, une Bible à la main » (Nicolas Boileau, Satires, 1666).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire