Essai de philosophie politique appliquée (suite)
INTRODUCTION (suite)
... en passant par la connaissance…
Entre science et conscience, l’étymologie nous suggère cette idée de mise en commun qui transforme des données combinées entre elles pour en faire des connaissances dans nos mémoires individuelles, soit une science élémentaire au sens premier du mot (du latin scientia, "connaissance"). Mais elle nous incite aussi à étendre ce partage à la communauté qui est indéniablement le vaste champ d’application de la science comme de la politique. S’il est vrai que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », comme l’observait jadis Rabelais, le fil qui conduit de l’une à l’autre est sans aucun doute une affaire de sens. De la science à la conscience, il est en effet un lien fort qui unit dans la mémoire nos cinq sens au sens commun, orientant ainsi l’éthique individuelle et l’action juste qui en procède.
Mais cette conscience aiguë de l’autre, qui transforme des données observées en connaissances acquises dans nos mémoires individuelles, à des fins éthiques, peut aussi s’étendre au partage de l’information dans une mémoire collective, à des fins politiques. C’est elle qui permet de comprendre les agissements de tous les autres sujets auxquels la collectivité est confrontée, qu’ils soient individuels ou collectifs, en-deçà ou au-delà des frontières. C’est elle encore, cette conscience de l’autre, qui permet de contrer ces agissements, et de les combattre lorsqu’ils entrent en concurrence ou en conflit avec l’intérêt général, qui est celui de la communauté internationale avant d’être celui de la nation, celui de la nation avant celui de toute autre communauté socioprofessionnelle ou familiale, ou celui de la communauté avant celui de l’individu. Cet ensemble « réfléchi » de connaissances à propos de l’autre permet d’en comprendre les différences, d’anticiper les conflits qui peuvent en résulter, et de guider les décisions dans le sens de l’intérêt général ainsi « hiérarchisé ».
Cette compréhension est la base incontournable de tout échange, de toute relation, de toute association ou de toute négociation à l’échelle collective, nationale ou internationale de la Cité, qui est celle de la politique, comme à l’échelle individuelle, dans un contexte familial, associatif, professionnel ou citoyen, qui est celle de l’éthique. De même que l’éthique s’applique à un individu, la politique s’applique à un État considéré comme une personne morale une et indivisible, soit un sujet, un individu libre et responsable ou une entité politique souveraine. Pour garantir cette compréhension mutuelle, la politique doit pouvoir s’appuyer sur les Lumières d’une intelligence collective conçue à l’image de nos intelligences individuelles qui transforment des données en connaissances puis en savoirs dans nos mémoires implicites puis explicites. Mais cette intelligence collective doit toutefois être soumise à l’intérêt général, alors même que nos intelligences individuelles sont assez naturellement guidées par des intérêts particuliers. Heureusement, ces derniers sont, la plupart du temps, tout aussi naturellement, fortement tempérés dans nos mémoires par une éthique personnelle qui impose de compter avec l’autre. Dès lors, même si l’intelligence individuelle prédispose à ne jamais compter que sur soi-même, chacun est bien forcé naturellement de toujours compter avec autrui, cet autre pour lequel il faut bien chercher à compter, comme nous y engage le sens commun, par simple intérêt individuel bien compris autant que par civilité bien ordonnée.
Qu’elle soit individuelle ou collective, l’intelligence doit ainsi pouvoir s’appuyer sur une connaissance éclairée de tous les sujets, entités[1] ou agents qui l’entourent et interagissent avec elle, afin d’en comprendre les motivations. C’est ainsi et seulement ainsi qu’elle peut anticiper les effets de leurs actions ou réactions, les soutenir lorsqu’elles vont dans le sens de l’intérêt général et s’en défendre lorsqu’elles lui sont contraires. C’est sur la connaissance de l’autre avec lequel il faut bien compter, que l’éthique impose de compter à l’échelle individuelle, comme la politique à l’échelle de la Cité doit pouvoir compter sur la connaissance de toutes les autres entités collectives[2] de son entourage, à l’intérieur comme à l’extérieur, avec lesquelles elle doit nécessairement compter. La connaissance est bien au cœur de la politique comme elle est au cœur de l’éthique dont elle est une sorte de matière première. On la dira scientifique lorsqu’elle s’applique à une communauté, et qu’elle est ainsi collectivement reconnue ou admise pour acquérir le statut de Savoir avec un grand "S", sous-entendu "universel" parce qu’individuellement partagé.
suite ...
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