lundi 10 octobre 2022

Information, communication et documentation : une intelligence collective au service de la Politique (4)

Petit glossaire insolite de l’infocom au service des artisans d’une intelligence collective de documentation à usage politique 

MÉMOIRE

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En un mot, l’information, quel que soit son degré de mise "en-forme" dans la mémoire (donnée, connaissance ou savoir), doit pouvoir être mise en "commun" ou communiquée (respectivement, échange, partage ou diffusion).

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    La mémoire, c’est donc ce formidable dispositif central du système cognitif qui façonne des automatismes inconscients et, chez l’homme, une pensée consciente. Elle met en œuvre un ensemble de fonctions mécaniques ou réflexives qui façonnent respectivement les intelligences procédurales ou conceptuelles, et permettent l’acquisition et l’encodage de l’information, sa rétention puis sa restitution. C’est tout d’abord une transformation de nos perceptions de la réalité d’une situation, en éléments ayant du sens au regard d’une finalité déterminée par notre intention envers celle-ci. C’est ensuite l’enregistrement de ces informations de manière à ce qu'elles puissent être réutilisées plus tard autant que de besoin. C’est enfin la capacité de récupération de ces informations préalablement stockées.

    La mémoire, c’est donc un système d’information transformant des données en connaissances, puis en savoirs pour faire sens et éclairer l’action. C’est le lieu de la construction du sens dans nos cerveaux. Elle est décrite par le neurophysiologiste Alain Berthoz comme un formidable « instrument de prédiction ». Considérant en effet le cerveau comme « une machine à anticiper » secondée par l’émotion « qui prépare le corps et le cerveau aux conséquences des actions à venir », ce chercheur enseignant la « physiologie de la perception et de l'action »[1] observe que « nous sommes des organismes orientés vers un but »[2]. Au-delà de la seule physiologie qu’il observe, limitée à l’étude de la nature et aux automatismes qu’elle met en œuvre dans la mémoire au service de l’intelligence procédurale, on peut imaginer que ces qualités précieuses d’anticipation et d’orientation puissent s'étendre aux fonctions réflexives de la dite mémoire au service d’une intelligence conceptuelle.

    La mémoire c’est en effet, le lieu de la mise "en forme" de signaux s'offrant à l'observation, donc celui de l’expression de la théorie[3] considérée par Aristote comme l’activité propre de l’intelligence. C’est le lieu de mise en œuvre d’un processus intellectuel qui s'enclenche à partir d'un besoin de savoir pour agir. Cette finalité déterminée par une intention, est envisagée comme un problème à résoudre au moyen de l'intelligence. Elle est ce fameux « but » observé par Alain Berthoz, vers lequel sont « orientés » nos « organismes », ou bien encore, la cause ou la raison qui motive le travail de l’intelligence et donne leur sens à nos perceptions de la réalité. Ce processus englobe tout un ensemble de fonctions qui s’organisent dans la mémoire en une sorte de continuum cognitif, pour sélectionner avec discernement les données susceptibles de participer à la résolution du problème posé par le besoin d’agir, engendrer les connaissances nécessaires à sa solution et produire in fine des savoirs utiles à la décision dans l’action. Dès lors que l’action se veut réfléchie ou collective, les données saisies doivent être mises « en-forme » afin de pouvoir s’échanger, les connaissances acquises doivent l’être également, afin de pouvoir se partager et les savoirs ainsi conçus, afin de pouvoir se diffuser. En un mot, l’information, quel que soit son degré de mise « en-forme » dans la mémoire (donnée, connaissance ou savoir), doit pouvoir être mise en « commun » ou communiquée (respectivement, échange, partage ou diffusion). 

(à suivre)



[1]   Alain Berthoz a été professeur honoraire au Collège de France, titulaire de la chaire de physiologie de la perception et de l'action, de 1993 à 2010.

[2]   Alain Berthoz, Robotique, vie artificielle, réalité virtuelle, Interview (Propos recueillis par Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin, La Revue mensuelle n° 47, 17/09/2003.

[3]   Du grec theorein (θωρέω) - théôria, « contempler, observer, examiner – vision, contemplation ».

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